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samedi 8 octobre 2011

A marée basse

C’est l’heure de ramasser les coquillages a dit maman. Comme tous les jours, à marée basse, on est tous venus sur la plage. Tout le monde cherche des coquillages avec un seau, ou un sac en plastique. Ils marchent, dans tous les sens. Ils ne se mouillent pas les pieds parce que, quand on cherche les coquillages, on met des chaussures, c’est maman qui le dit. Il y en a même qui enfilent les bottes, comme mon papy. Il y a toujours beaucoup de monde à ce moment-là sur la plage. Ils sont tous au même endroit. Je leur tourne le dos, je sais qu’ils sont là, avec les enfants et même leur chien. Je peux même vous dire que je les entends, mais ce qu’ils disent ne m’intéresse pas. Moi, j’ai les fesses qui trempent dans l’eau. Je me suis trouvé une chouette flaque, juste pour moi. Le sable se malaxe comme de la terre. Je creuse autour de moi, et la mer remplit le trou en même temps. C’est comme un petit bac où l’eau baigne mes jambes et mes fesses. Qu’est-ce que je suis bien. Maman m’a laissée là tout à l’heure. Elle est super maman : elle veut bien que je reste toute seule. Oh, je ne suis pas toute seule, évidemment, puisque mes parents ne sont jamais très loin. Mais avec mon bob qui me cache les yeux, je ne vois rien, seulement la mare d’eau de mer autour de moi et je crois que je suis toute seule.

La mer monte. Elle n’arrive pas vite ici. Le sable est tellement imbibé que je plonge ma main dedans. Trrrrououou. C’est doux. Je sens tous les petits grains qui glissent entre mes doigts. Frrrrrrr . Maintenant, j’ai de l’eau par-dessus les jambes. Mon T-shirt est tout mouillé, jusque sous les bras. J’avais pris ma pelle, mais je n’en ai pas besoin. Je préfère creuser avec mes mains. Le sable est mouvant. Il bouge. On dirait qu’il est vivant. On dirait qu’il veut s’enfuir au fur et à mesure que j’essaye de l’attraper. C’est très rigolo. Je suis presque complètement entourée d’eau maintenant. Je crois que je suis une navigatrice perdue au milieu de la mer. Ohé ! Ohé ! Non, je ne crie pas. Je pense seulement : « Ohé ! Ohé ! »Si je criais, on viendrait me chercher. Je ne veux pas partir tout de suite. Clap, clap, clap. Je tape la surface, j’agite mes doigts entre le sable et l’eau. Ça clapote, ça fait des bulles. Blebleble. Aïe ! Je cligne des yeux. Mon bob me protège du soleil, mais l’eau brille et elle m’éblouit. Bon, où est maman ? Il ne faut pas que j’oublie ma pelle. Hop je l’attrape juste avant qu’elle soit complètement noyée. « Maman ! Maman ! Attends-moi ! Oui, je cours. Attends-moi, j’arrive. » Oufff.
Septembre 2011, Danièle Chauvin,
Illustrations Carole Menahem-Lilin
Danièle