Donc elle rencontra Patrick. Où ? Quand ? Comment ? Je ne l’ai jamais su et d’ailleurs cela n’a pas d’importance. Il lui fit une cour discrète, tellement discrète qu’elle ne s’en aperçut pas tout de suite. Il lui cédait son tour dans la file d’attente du restaurant qu’ils fréquentaient à midi, il lui demandait la permission de s’asseoir à sa table. Elle en éprouvait du plaisir car sa conversation était distrayante et son humeur toujours joyeuse. Mais son esprit à elle, rempli par ses tâches et ses projets professionnels, ne s’attardait pas à l’attitude amicale de Patrick : il ne faisait pas partie de ses projets. Quand il finit par l’inviter à dîner, elle sursauta. Il fut surpris de sa réaction. Elle va refuser, pensa-t-il. Elle le regarda, incrédule : il se moque de moi ? Il reprit :
— Accepteriez-vous
de dîner avec moi demain soir ?
–
Pourquoi pas. »
Ils
s’accordèrent sur l’heure et le lieu de leur rendez-vous, échangèrent leur
numéro de téléphone. Elle consulta sa montre, et poussa un petit
cri : Je vais être en retard ! Elle attrapa son sac
et s’éclipsa.
Elle
escalada les escaliers et arriva en salle de réunion pile à l’heure.
Lorsqu’elle entra, le sourire narquois de Régis Valdeau s’effaça, remplacé par un long soupir de déception. Il ne la prendrait pas en faute
encore aujourd’hui, mais elle ne perdait rien pour attendre. Or, ainsi que vous
connaissez Evelyne, elle avait intercepté le changement de mimique de son
collègue et immédiatement compris qu’elle devait le redouter. Elle se promit de
ne lui laisser aucune occasion de la mettre en difficulté. Comme de coutume,
elle remplit parfaitement son rôle, ses interventions furent jugées
judicieuses. La journée se termina sans encombre.
Le
lendemain après-midi, son téléphone sonna sur son bureau. Elle avait pourtant
demandé qu’on ne lui transmette aucun appel Elle ne décrocha pas. Tellement
absorbée par son travail depuis le matin, elle n’était même pas sortie se
restaurer à midi. Quand enfin elle passa devant la standardiste, celle-ci
l’interpella poliment :
— Un
certain Patrick a insisté pour que je note son message.
Evelyne
prit la feuille de papier qu’on lui tendait et lut : « J’espère que
vous allez bien. Je ne vous ai pas vue à déjeuner. Rappelez-moi pour confirmer
notre rendez-vous. » Patrick ! Elle l’avait oublié. Elle regarda
l’heure. Elle avait juste le temps de faire un saut chez elle pour se changer.
Elle se demanda s’il n’était pas trop tard pour le rappeler. Elle retourna dans
son bureau.
— Allô ?
Patrick…. C’est Evelyne…. Oui, je vais très bien, merci… Un gros dossier m’a
accaparée toute la journée, excusez-moi… Oui, bien sûr, je suis toujours
d’accord pour ce soir… Très bien… A tout à l’heure alors.
Je
vous assure qu’il aurait été regrettable qu’elle manquât le rendez-vous car
cette histoire n’aurait pas eu de suite!
Patrick
se montra sous un jour nouveau. D’intéressant, il devint drôle. De courtois, il
devint attentionné. Ma cousine se surprit à sentir monter en elle comme un
début de sentiment jusqu’ici inconnu. Quelques autres soirées suivirent, toujours
très agréables. Elle appréciait de plus en plus sa compagnie. C’était
réciproque apparemment. Ils prirent l’habitude de passer un week-end sur deux ensembles.
Chaque nouveau rendez-vous voyait leur relation évoluer vers une douce
habitude. La tendresse s’installait, émaillée de mots doux, de petites
attentions affectueuses. Ils vivaient ces journées hors du temps à l’abri des
vicissitudes du quotidien. Evelyne remarqua bientôt qu’elle attendait de plus
en plus impatiemment ces samedi-là, mais elle refusa de s’y attarder. Ce rythme
lui convenait parfaitement car elle souhaitait conserver une part de liberté
absolue, voire de solitude. Enfin, c’est ce qu’elle prétendait.
Au
cours de l’un de ces week-ends, Patrick parut à Evelyne plus embarrassé qu’à
l’ordinaire. Il lui sembla pensif, et même légèrement anxieux.
–
Que se passe-t-il, Patrick ? Tu parais inquiet.