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lundi 10 octobre 2011

L’OMBRE DES FEUILLES DE PLATANES

Maryse est sortie tôt ce soir pour être sûre de ne pas être en retard. Elle attend ce jour depuis plusieurs mois. De son travail à sa maison, la distance se mesure en heures. Ascenseur, course folle, bousculade à l’entrée du tram. La ville passe le matin dans un sens et le soir en sens inverse. Les passagers gardent les yeux fixés sur un point devant eux, indifférents, fatigués. Quelle est leur destination ? Quelqu’un les attend-il ? Maryse ne le saura jamais.
Il fait beau. L’ombre des feuilles des platanes danse sur les berges du fleuve.

Cette semaine, sa collègue Nadine lui a annoncé qu’elle attendait un bébé. Elle serait en congé dans six mois. Maryse l’a félicitée. Nadine lui manquerait durant ces quelques semaines. Serait-elle remplacée ? Maryse aime bien Nadine, elles déjeunent ensemble au Croc-Midi chaque mercredi, elles prennent le même tram le soir et font un bout de chemin en bavardant. Nadine descend deux stations avant Maryse.
Il fait beau. L’ombre des feuilles des platanes danse sur les berges du fleuve.

Un jour, quand Maryse a voulu acheter sa carte mensuelle de tram, la machine était en panne. Elle a dû payer son transport à l’unité. Le lendemain, tout était rentré dans l’ordre, elle a pu obtenir son titre de transport habituel. Elle n’a jamais voulu prendre un abonnement à l’année. Elle préfère rebondir d’un mois sur l’autre. Sait-on jamais.
Il fait beau.
L’ombre des feuilles des platanes danse sur les berges du fleuve.

Maryse regarde sa montre. Elle sera à l’heure. Elle a bien réuni, dans sa pochette rouge, tous les documents demandés. Elle a parfaitement préparé ce moment. Elle n’a d’ailleurs pas rencontré de difficultés particulières. La seule contrainte a été l’attente de l’accord de la banque. Aujourd’hui elle effectue la dernière démarche : la signature chez le notaire de l’achat de son appartement, 12, Quai des platanes, à quelques minutes du lieu de son travail.
Il fait beau. L’ombre des feuilles des platanes accompagnera désormais ses pas sur les berges du fleuve.
Danièle