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lundi 10 décembre 2018

CHOCOLAT

Y'en a qui s'droguent
Y'en a qui s'piquent
Moi j'bouffe du chocolat

C'est pas un toc
C'est pas un tic
Pas même le Nirvana

J'm'en tape la cloche
Pas de reproches
Je n'les écouterai pas

Mes p'tites galères
Mes p'tits soucis
J'les broie dans l'chocolat


Plein d'énergie
Calorifère
Ce p'tit carré noir et magique

Et croque et cric
M'voilà r'quinquée
Ce qui me gave
C'est plus très grave
Puisque j'ai là mon p'tit carré

Et vive la vie, le chocolat,
Son attraction irrésistible
Son réconfort indéfectible
Et tralala et tralala







samedi 7 juillet 2018

Lecture coup de cœur : CE QUE JE SAIS DE VERA CANDIDA : Véronique Ovaldé éd vde l'Olivier

                Vera Candida revient sur l'île de Vatapuna où elle est née pour revoir sa grand-mère. Voilà comment s'ouvre et se referme cette saga.
         Véronique Ovaldé a l'art de nous transporter dans des contrées imaginaires dont on s'étonne de ne pas les situer sur une carte  ou de ne pas entendre leurs actualités aux J.T. 
          Ses personnages ont une vraie présence, bien concrète, bien complexe, depuis ces femmes prisonnières de leur condition féminine dans ce pays, jusqu'à Itxaga, le journaliste échappé de son milieu qu'il juge trop complaisant face aux maltraitances diverses, en passant par des hommes et des femmes au passé mystérieux, trouble, fasciste, tout cela dans un  climat lourd, voire irrespirable de machisme, de fortunes louches, d'exploitation des gens, de misère grise, d'avenir bouché.
        A travers quatre générations de femmes, Véronique Ovaldé dépeint leur condition très difficile de vie dans cette partie imaginaire d'Amérique latine. Jalouses de leur liberté, elles supportent à leur façon les aléas qui surviennent. Chacune met au monde une fille dont elle ne pourra pas dévoiler le nom du père, même si tout le monde autour d'elle connaît la sordide vérité. Elles doivent être maudites tellement elles sont prisonnières de leur infortune.
          Pourtant, la troisième, en l’occurrence Vera Candida, refusant le sort misérable qui semble lui être dévolu, embarque à quatorze ans pour Lahomeiria, sur le continent, bien déterminée à oublier son passé, à n'accorder sa confiance à aucun homme et à construire sa vie pour elle et pour sa fille.
               C'est un roman qui respire le courage,la force de vie, d'une écriture vive, décrivant l'action, s'attardant parfois sur une atmosphère, une réflexion. Des chapitres courts comme autant de scénettes très vivantes nous mènent d'un bout à l'autre de la vie de Vera Candida. 
                  Un vrai bonheur de lecture.

vendredi 22 juin 2018

LE CARTON



"Mercredi, nous avons reçu un carton
Qui contenait notre avenir.

Il s’agissait bien sûr d’une erreur, nous l’avons aussitôt compris.
Le fabriquant au téléphone semblait en panique.

Ne l’ouvrez pas, quoi que vous fassiez, ne l’ouvrez pas.
Quelqu’un va venir sans tarder pour récupérer le carton."

Ce carton portait notre adresse.
Là-dessus, pas de possible conteste.

L’ouvrir, ne pas l’ouvrir.
Ah ! Curiosité, questionnement, et même pire !

Pourquoi ce matin-là a-t-il atterri chez nous ?
N’est-ce pas le bon carton ou bien n’est-il pas pour nous ?

Nous échangeons regards, interrogations, avis.
Le carton déposé sur la table depuis deux jours, impassible, attend.

Ah ! Ah ! Les voilà bien agités soudain…
Le mystère les excite !

Le carton déposé sur la table depuis deux jours, impassible, attend… quoi ?
D’être ouvert ici ?.. Rendu ?.. Ouvert ailleurs ?

Connaître son contenu présente-t-il un danger pour nous ?
Y a-t-il danger si les autres ne le reçoivent pas ?

La panique du fabricant nous intrigue.
Secret d’état, bombe à retardement… BOM-BE ! Evidemment !

Manipuler, ne pas brusquer, désarmer.
Prudemment désenvelopper.

Si, si, il faut voir, il faut savoir.
Le carton déposé sur la table depuis trois jours, impassible, laisse dire.

He ! He ! Les voilà bien inquiets !
Mais surtout si curieux…

Le carton déposé sur la table depuis trois jours, impassible, laisse dire.
Défaisons l’empaquetage ; allons-y doucement.

Mais non, mais non, c’est indiscret.
On va venir bientôt le rechercher.

D’ailleurs on sonne. Il faut ouvrir…
Ouvrir le carton ? Non, la porte. Ça y’est, c’est déballé.

C’est enfin le commissionnaire.
Je viens récupérer le carton.

Trop tard : il a délivré son secret.
C’est une machine à remonter le temps. C’est écrit là.

On appuie sur le bouton et…

Mercredi, nous avons reçu un carton
Qui contenait notre avenir.

Il s’agissait bien sûr d’une erreur…

Danièle Chauvin

samedi 24 février 2018

Tourner le dos


Inspiré de : La reproduction interdite, 1937, René Magritte (1898-1967)

Un coup d’œil au miroir. Cheveux gominés, veste brune, col blanc. Vincent s’est préparé avec soin au dernier rendez-vous.
Il l’avait rencontrée par hasard. Elle lui avait plu. Non, elle n’était pas séduisante. Elle était solide, sérieuse et aussi gentille, douce. Il s’était mollement installé dans la peau du fiancé.  Il suivait son bonhomme de chemin vers un bonheur ordinaire. Il avait présenté Fanny à ses parents. Le mariage aurait lieu cet été, à l’issue de sa période d’essai chez Brico-Castor. Bonne famille, bonne éducation. Situation stable et tout et tout. On ne demande rien de plus chez les Durant. Lever, doucher, déjeuner, circuler, travailler, revenir, dîner, télé, coucher. Ciné, danser le samedi soir, camper, bronzer l’été. Salaire, bébé, maison, retraite. Ainsi va la vie chez les Durant.
Ce matin, le réveil avait suivi une nuit agitée. Cauchemar, effroi, angoisse. Cauchemar d’une route droite contre un horizon bas et noir ; il n’y avait pas d’arbre, pas de paysage, personne, rien que cette route rectiligne jusqu’à l’infini. Il marchait d’un pas pressé, fatigué du chemin déjà parcouru, épuisé par celui à venir. Angoisse de l’avenir trop sûr, angoisse d’une vie sans vague, angoisse d’un bonheur trop lisse, plat, terne, d’un bonheur triste. Effroi devant le gouffre de l’engagement. Effacement des autres possibles, fermeture du rêve d’avenir.
Ce matin il passerait voir Fanny pour lui dire adieu, avant de rendre sa démission.
Vincent tourne le dos et s’éloigne de lui-même.

lundi 5 février 2018

Il pleut des hallebardes

Inspiré de : Golcondes, 1953, René Magritte



Il pleut des hallebardes. La pluie crépite en chuchotements. Elle murmure aux citadins sa détermination à mouiller tout ce qu’elle touche ou effleure. Du plus haut, du plus loin, elle descend,  sévère, monotone, inéluctable, inévitable.
Les premières gouttes arrivées sur le sol sont suivies de leurs comparses qui peu à peu s’étalent et courent sur les rues, envahissent la ville.
Sans état d’âme, les âmes grises descendent, droites et raides devant les façades aux rideaux mal tirés sur les secrets mal gardés. À droite, à gauche, devant derrière, sous leur chapeau melon, les regards mornes des hommes de cendre enregistrent automatiquement l’image globale et détaillée de nos rêves. Ciel clair trompeur au-dessus des maisons, murs tristes et fenêtres close. Visages fermés, par-dessus sombres, cravates noires sur cols serrés. L’espoir se meurt, fantaisie vaine. 

Les silhouettes  de l’ennui peuplent l’espace. Très peu de place pour s’échapper, se faufiler. Mais le ciel bleu ne faiblit pas. Laissons frémir et s’envoler par-dessus les toits rouges, au-dessus des hommes gris, si haut si haut au firmament, la pensée libre.