Le temps avait menacé tout l’après-midi, nous
narguant avec son vent qui affolait le feuillage des platanes de la cour de
récréation. Je regardais par la fenêtre de plus en plus fréquemment pendant que
la maîtresse tentait de capter notre attention déjà bien émoussée en cette fin
d’après-midi de juin. Mais, sauf ce vent échevelant, aucun autre présage ne se
manifestait.
Mais voilà, à l’instant précis où nous
franchissions le portail de l’école, le premier grondement a roulé, venant du
fond du village et s’étalant au-dessus de nos têtes comme un avertissement.
Le chemin qui me ramenait à la maison mesurait
bien son kilomètre et demi et mon cartable rempli des livres utiles aux devoirs
du weekend, tirait sur mon bras. Je commençai à marcher d’un pas vigoureux,
espérant ne pas subir le déluge trop longtemps, car en effet, il ne faisait
aucun doute que la pluie ne saurait tarder. L’anthracite opaque des épaisses
montagnes célestes, semblait gonfler en approchant, cisaillé par les éclairs.
Au fur et à mesure que l’orage avançait, le tonnerre éclatait chaque fois plus
percutant, chaque fois plus fracassant.
Aujourd’hui, je l’entends encore comme une énorme,
immense, gigantesque baudruche qui aurait explosé, sous le coup d’une flèche
lancée par un bras puissant.
Soudain, le nuage s’ouvrit et la pluie s’abattit
en stries serrées. Les grosses gouttes frappaient le sol en flops mats et me
mouillaient jusqu’à la moelle.
L’humidité dont mon cartable s’imprégnait le
faisait glisser dans ma main qui se crispait en essayant de le retenir. Je le
changeais fréquemment de côté afin de soulager momentanément mon bras endolori
et je pressais le pas.
J’avais hâte d’arriver à la maison afin de me
mettre au sec. Douche et vêtements propres.
Je ne me souviens d’aucune sorte de frayeur, mais le
ruissellement tiède de cette pluie d’orage qui me parcourt de la tête aux
pieds, plaquant mes cheveux sur mon visage et dans mon cou, et cette impression
d’être chaussée de coussins chuintant à chaque pas sont des sensations empreintes
sur ma peau, enveloppantes et fluides.
Puis le nuage et son cortège d’eau, d’éclairs et
de grondements s’éloigna, me laissant dégoulinante mais soulagée de retrouver
le ciel bleu vif de juin qui aurait pu attendre un peu que je fusse à l’abri
avant de me livrer sans pitié à ses caprices.